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Récolte de la fleur de chanvre et extraction du CBD, est-ce possible en Belgique ?

A la une
11.05.2020

Le jeudi 30 avril, ValBiom a organisé un webinaire sur les fleurs de chanvre et l'extraction de CBD en Belgique. Est-ce que la fleur de chanvre peut-être cultivée et récoltée en Belgique ? Quels sont les débouchés possibles ? Découvrez le compte-rendu du webinaire !

Le chanvre, une culture industrielle autorisée en Europe

Le chanvre est principalement cultivé pour ses fibres et pour ses graines. Cependant, une autre partie de cette plante pourrait être valorisée, en vue de donner une valeur ajoutée supplémentaire à cette culture : la fleur ! Riche en composants chimiques dont des phytocannabinoïdes, celle-ci suscite un intérêt croissant !

Est-ce que la fleur de chanvre peut-être cultivée et récoltée en Belgique ? Quels sont les débouchés possibles ? Pour répondre à ces questions, ValBiom a organisé le 30 avril un webinaire sur la thématique. Plus de 90 participants ont assisté à celui-ci, témoignage de l’intérêt sur ce sujet.

Quelle est la situation législative actuelle concernant la fleur de chanvre ? 

Pour cultiver du chanvre, la teneur en vigueur pour toucher les aides directes de la Politique Agricole Commune (PAC) est de 0,2 % de THC (tétrahydrocannabinol). L’EIHA - la European Industrial Hemp Association - veut augmenter ce taux à 0,3 % pour avoir accès à d’autres variétés d’intérêt pour différents secteurs applicatifs, dont le textile. A noter que certains pays européens ont adapté leur législation nationale pour autoriser des cultures de chanvre avec une teneur en THC supérieure. En Belgique, la teneur est celle de la réglementation européenne pour les aides de la PAC, donc 0,2 %.

La convention unique des stupéfiants de 1961 reprend les « sommités florifères et fructières de la plante de cannabis » dans la liste des stupéfiants placés sous contrôle international -  sans distinction de la variété et de la teneur en THC de la variété. « Vu la faible teneur en THC du chanvre, celui-ci devrait sortir en dehors du scope de la Single Convention » - Lorenza Romenese, Managing Director, EIHA (European Industrial Hemp Association).

Un débouché d’intérêt pour un grand nombre d’acteurs européens et de consommateurs est l’utilisation d’extraits de fleurs de chanvre en compléments alimentaires. Cependant,  les denrées alimentaires à base d’extraits de CBD (cannabidiol) sont considérées comme de nouveaux aliments (« Novel Food ») et ne sont pour l’instant pas autorisées. Ainsi, la vente de compléments alimentaires à base de CBD est actuellement interdite.

Le chanvre, un nouvel aliment ?

L’Union Européenne a adopté en 2015 une réglementation sur les nouveaux aliments, appelés aussi « Novel food ».  Tout nouvel aliment ou ingrédient pour lequel la consommation  humaine était négligeable ou inexistante avant le 15 mai 1997 au sein de l’Union européenne tombe sous le champ d’application de ce règlement européen. Il est donc nécessaire d’introduire un dossier pour obtenir une autorisation de pré-commercialisation d’un novel food.

En janvier 2019, l’Europe a spécifié que :

  • Les graines entières, les graines décortiquées, la farine de graines et l’huile de graines ne sont pas considérées comme de nouveaux ingrédients.
  • Les autres parties du chanvre comme les fleurs et les feuilles, leurs extraits et les produits dérivés contenant des cannabinoïdes sont considérés jusqu’ici comme nouveaux ingrédients.

La fleur de chanvre et ses extraits sont donc actuellement interdits pour une consommation alimentaire.

L’EIHA mène actuellement un lobby pour démontrer que la fleur de chanvre n’est pas un novel food : ils ont mis en avant des dizaines de preuves montrant qu’une consommation alimentaire de la fleur de chanvre existe depuis des années.

La position de l’EIHA est :

  • Les feuilles et les fleurs, les extraits de chanvre obtenu avec des méthodes  d’extraction traditionnelle et les cannabinoïdes présent naturellement dans les extraits complets de chanvre ne sont pas à considérer comme des novel food, mais comme des aliments traditionnels.
  • Les cannabinoïdes isolés et les plantes génétiquement modifiées nécessitent une autorisation novel food pour être mis sur le marché européen.

Tableau de synthèse relatif aux législations.

« Il faut un cadre législatif positif pour soutenir cette plante : elle peut être une ressource pour différents débouchés et à impact environnemental positif. Pour avoir un secteur florissant, il faut permettre de valoriser l’entièreté de la plante. » – Lorenza Romenese, Managing Director, EIHA.

Retour d'expérience : le projet Tropical Plant Factory

L’ULiège et le Celabor collaborent ensemble au développement d’un concept intégré d’usine végétale dans le cadre du portefeuille de projets Tropical Plant Factory.

L’une des plantes étudiées dans ce projet est le chanvre, plus particulièrement pour produire du cannabidiole (CBD) et étudier ses potentialités thérapeutiques.

  • Des essais agronomiques ont été menés par Gembloux Agro-Bio Tech pour tester plusieurs variétés, afin d’évaluer le rendement en CBD par variété cultivée. « La teneur moyenne en CBD totale est de 1,5 % pour les différentes variétés de chanvre, à l’exception de Santhica qui a une faible teneur en CBD, mais contient du CBG » - Françoise Bafort, Research Assistant, Centre de Recherche en agriculture urbaine.
  • Le Celabor[1] a réalisé plusieurs types d’extraction. « La technique d’extraction qui a le plus de succès est le CO2 supercritique. Avec le CO2, il n’y pas de trace de solvant dans le produit » - Stéphane Kohnen, Project leader, Celabor. Le Celabor a également testé plusieurs méthodes de purification en vue d’obtenir du CBD pur ou garder un extrait à large spectre.  
  • La composition de la fleur de chanvre en molécules bioactives a été étudiée ainsi que les activités pharmacologiques. « Les propriétés pharmacologiques ne dépendent pas que de la concentration en CBD, mais de la composition en molécules bioactives (cannabinoïdes et terpènes). La composition varie selon la variété de chanvre et le type d’extrait produit. » - Olivia Janssens, Pharmacien PhD, Laboratoire de pharmacognosie de l’ULiège.
Quelles sont les potentialités du CBD et des extraits du chanvre ?

La fleur de chanvre contient deux types de molécules bioactives : les cannabinoïdes (majoritairement du cannabidiol – CBD – et/ou cannabigerol – CBG) et les terpènes (molécules aromatique ayant un effet d’entourage sur l’activité pharmacologique des extraits). Le cannabinoïde le plus présent dans le chanvre est le CBD.

Les propriétés pharmacologiques dépendent de la composition qualitative et quantitative en molécules bioactives. Cette composition varie selon la variété de chanvre et le type d’extrait produit.

Les cannabinoïdes vont agir sur différents récepteurs du corps humain qui participent à l’homéostasie et qui sont impliqués dans les processus inflammatoire et dans la perception de la douleur. Le CBD pourrait donc être utilisé dans des activités anti-inflammatoires et neuro-protectrices.

La liste des indications thérapeutiques potentielles pour le CBD est longue. Cependant, seules quelques indications sont déjà validées scientifiquement par des essais cliniques, dont l’épilepsie chez l’enfant.

Beaucoup d’indications potentielles prometteuses sont actuellement en cours. 

Tropical Plant Factory a permis d’acquérir un know-how sur le chanvre au niveau de la culture, au niveau de l’analytique et au niveau de l’extraction/concentration du CBD. Il a aussi permis de définir un proof of concept d’une suite à plante et d’une filière globale pour la production de molécules à haute valeur ajoutée à partir de plantes cultivées en serres.

Quelles sont les perspectives ?

  • Evolution et assouplissement des législations en vigueur, notamment celle concernant la teneur maximale en THC et  la législation « Novel food » au niveau européen.
  • Positionnements régionaux et fédéral pour permettre la récolte de toutes les parties de la plante – y compris ses fleurs et ses feuilles – dans le respect de la limite relative à la teneur.
    • La récolte de la fleur pourrait se faire en parallèle de la récolte des pailles pour la fibre, et donc assurer un revenu complémentaire aux agriculteurs et optimiser la rentabilité de cette culture.
  • Rassembler/fédérer les acteurs pour augmenter les collaborations/synergies – notamment au travers de l’animation d'une communauté d’intérêt au sein de ValBiom
  • Renforcement des expertises existantes
  • Création de chaines de valeur, de la production à la valorisation
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[1] Le Celabor dispose d’une autorisation finale de stupéfiants délivré par l’AFMPS pour acheter des solutions standards de THC pour des fins analytiques. Celui-ci peut donc réaliser des prestations de service pour évaluer la concentration de THC (par exemple, une analyse des graines pour avoir une dérogation pour être utilisée en alimentation). Une demande d’autorisation d’activité de stupéfiant est en cours à l’AFMPS : possibilité de générer des extraits stupéfiants et de les libérer du laboratoire via émission de bons de stupéfiants (vers partenaire/client autorisé). Le Celabor a réalisé un test inter-labo avec succès pour l’analyse des cannabinoïdes via UPLC-DAD-MS : ceci permet une reconnaissance internationale du Celabor pour le dosage des cannabinoïdes. Le Celabor développe une autre méthode via GC-MS.