Les différentes entités européennes sont arrivées à un accord pour la révision de la Directive des Energies Renouvelables (RED). L’objectif de cette RED III ? Consolider les directives de 2009 (RED I) et de 2018 (RED II) afin d’assurer un potentiel de développement durable optimal des énergies renouvelables. Certaines nouveautés pourraient avoir de fortes implications au sein des installations existantes et à venir utilisant de la biomasse solide, ainsi qu’auprès des Etats membres. Explications.
L’objectif poursuivi lors de la rédaction de cette analyse est de pouvoir vulgariser et informer les différent·e·s acteur·trice·s du secteur de la production de chaleur, d’électricité et de froid à partir de biomasse solide sur les nouveautés législatives portées par la REDIII. Ce document ne vise pas à couvrir l’ensemble des points de ladite directive, sa lecture demeure donc primordiale pour toute personne amenée à travailler de près ou de loin à la certification d’une installation de production d’énergie. Les informations contenues dans cette analyse se basent sur les résultats de l’accord formé après le trilogue du 30 mars 2023.
Valbiom met tout en œuvre pour que les informations contenues dans cette analyse soient les plus actuelles, complètes et valides que possible. Valbiom ne peut en aucun cas être tenu responsable de l'usage réservé à ces informations et des conséquences qui en découleraient.
- Rappel de la REDII
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Différents objectifs contraignants de production d’énergie renouvelable (EnR) sont fixés au sein de la directive pour 2030, lesquels ont déjà été revus à la hausse dans le « Fit for 55 » ainsi que dans le récent plan REPowerEU. C’est dans cette RED II, à l’article 29, que l’on retrouve les conditions pour qu’une source d’énergie puisse :
- Contribuer à l’objectif de l’union en matière d’EnR ;
- Être intégrée à l’EnR dans le secteur du transport ;
- Bénéficier d’une aide financière.
Les dites conditions sont de deux types :
D’une part, des critères de durabilité (paragraphes 2 à 7 de l’article 29) sont à respecter par les installations d’une certaine puissance thermique nominale, avec un seuil de ≥ 20 MW pour la biomasse solide. Ces critères de durabilité concernent les points suivants :
Biomasse issue de production durable :
- Régénération de la forêt ;
- Protection de zones désignées (humides et tourbières) ;
- Préservation de la qualité des sols et de la biodiversité ;
- Maintien à long terme la capacité de production.
Répond aux différents critères d'utilisation des terres ainsi que de leur changement d'affectation :
- Garantir ou renforcer sur le long terme la conservation des stocks et des puits de carbone.
D’autre part, les installations ayant cette puissance minimale et mises en service après le 1er janvier 2021 (inclus) devront réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) de 70 % par rapport à l’équivalent fossile de référence, tels qu’ils sont définis dans la directive. Les installations mises en place à partir du 1er janvier 2026 devront quant à elles atteindre une réduction de 80 % d’émissions de GES.
La RED II a été publiée en 2018 et l’arrêté gouvernemental wallon la retranscrivant dans la réglementation wallonne est entré en vigueur le 24 février 2023.
Nouveautés de la RED III
Les trilogues (discussions entre la Commission européenne, le Parlement et le Conseil des Ministres) sont arrivés à leur terme et un accord a pu être conclu le 30 mars 2023. Les informations dans cette analyse sont issues de cet accord. Certains éléments restent encore flous dans leur application ou leur définition. Le texte final de la REDIII devrait apporter plus de précisions.
Le principe de cascade
La hiérarchie des déchets n’est pas une nouveauté. On la retrouvait déjà dans la directive 2008/98/CE à l’article 4 ainsi que dans la REDII à l’article 3, paragraphe 3. L’idée est, sur le principe, très simple et vise à privilégier la valorisation des déchets selon un ordre de priorité :
- Prévention ;
- Préparation en vue du réemploi ;
- Recyclage ;
- Autre valorisation, notamment valorisation énergétique ;
- Élimination.
La REDIII vient la consolider avec le principe de cascade de valorisation des matières. L’objectif est très semblable mais vise ici un ordre de priorité pour la biomasse ligneuse dans sa globalité :
- Produits à base de bois ;
- Allongement de leur durée de vie ;
- Réutilisation ;
- Recyclage ;
- Production de bioénergie ;
- Élimination.
Afin de pouvoir mettre en place ce principe, les Etats membres devront concevoir des régimes de soutien pour les bioénergies permettant d’éviter d’encourager les voies jugées non durables et de fausser la concurrence avec les secteurs matériels.
Les Etats membres pourront tout de même déroger à ce principe de cascade si cela relève d’une nécessité vis-à-vis de la sécurité de l’approvisionnement énergétique et/ou si l’industrie locale est quantitativement ou techniquement incapable d’utiliser la biomasse forestière selon une valeur économique et environnementale supérieure à celle de l’énergie.
Ces dérogations pourront s’appliquer dans le cas où les matières proviennent de :
- Activités d’aménagements forestiers nécessaires, visant à assurer l’éclaircie précommerciale, prévention des incendies de forêt dans les zones à haut risque ;
- Forêts touchées par des perturbations naturelles documentées ;
- Bois dont les caractéristiques ne sont pas adaptées aux filières locales de transformation.
Au maximum une fois par an, les Etats membres devront notifier à la Commission les dérogations au principe de cascade ayant été réalisées. La Commission rendra publique ces informations et pourra émettre un avis public sur ces dernières.
Interdiction de soutien
Afin d’éviter certaines pratiques et distorsions de marché, certaines matières ne pourront plus bénéficier de soutien financier lors de la production d’énergie :
- Grumes de sciage, grumes de placage, bois rond de qualité industrielle, souches et racines ;
- Incinération des déchets dont la collecte séparée prévue par la directive 2008/98/CE n’a pas été respectée.
Pour le dernier point, les déchets dont la collecte séparée est prévue sont ceux visés à l’article 21 et 22, à savoir les huiles usagées ainsi que les biodéchets.
Plan des bioénergies
Une nouvelle mesure a vu le jour lors de la formation de l’accord sur la REDIII. Celle-ci vise à contraindre les Etats membres à adopter une plus grande précision sur leur planification nationale en matière d’énergie et de climat. Ainsi, les Etats membres devront évaluer et insérer dans leur plan :
- L’offre intérieure de biomasse forestière disponible à des fins énergétiques entre 2021 et 2030 ;
- L’utilisation prévue de la biomasse forestière pour la production d’énergie ainsi que les objectifs qui y sont liés entre 2026 et 2029 ;
- La description des mesures politiques mises en place afin de garantir une adéquation entre ces objectifs et les budgets liés.
Les Etats membres devront, pour le point 3, réaliser un rapportage semestriel à la Commission sur les avancements du plan de la production d’EnR.
Critères de durabilité
Dans la REDII, les installations de production d’énergie à partir de biomasse ligneuse étant soumises aux critères de durabilité sont celles dépassant ou égalant le seuil de 20 MW de puissance thermique nominale. La REDIII vient modifier cela en abaissant le seuil de puissance à 7,5 MW.
*Un Etat membre peut notifier et justifier à la Commission qu’une installation est nécessaire pour sa sécurité d’approvisionnement en électricité. La Commission adopte alors une décision sur base des éléments mis en avant. Dans le cas d’une décision favorable, l’installation peut être exemptée des critères mentionnés.
Que peut-on en conclure ?
Pour commencer, il est difficile de déterminer dans quelle mesure le principe de cascade s'appliquera. Sa mise en œuvre semble difficile voire impossible, compte tenu de la complexité des réalités économiques et techniques qui régissent la valorisation de la biomasse. De plus, les dérogations possibles sont nombreuses et il est relativement facile pour les Etats membres de s'en justifier, ce qui pourrait limiter l'impact sur les filières de biomasse ligneuse. Cependant, une conséquence concrète reste à déterminer : à savoir la charge administrative supplémentaire qui découlera de cette mesure pour les installations de production de bioénergie à partir de biomasse solide, ainsi que pour l'administration.
En ce qui concerne les obligations d'évaluation des ressources forestières disponibles pour la production d'énergie et de projection de la production d'énergie qui en résultera, il semble évident que la Commission souhaite renforcer les règles à tous les niveaux en ce qui concerne la biomasse solide. Ces rapports auront des conséquences importantes en termes de temps et de coût financier.
En dehors de cela, il semble extrêmement compliqué, voire impossible, de réaliser avec précisions ces rapports. En effet, il est difficile de modéliser les flux de ressources forestières, ce qui entraîne une grande imprécision lors de cet exercice. Ainsi, ces évaluations sont davantage une chimère visant à exercer un contrôle sur les Etats membres plutôt qu'une mesure concrète permettant d'atteindre les objectifs de développement durable.
A l’échelle des producteurs d’énergie à partir de biomasse solide, le durcissement des critères de durabilité, l’abaissement du seuil de puissance au-delà duquel une installation doit respecter lesdits critères, ainsi que les autres conditions pour pouvoir obtenir un support financier vont avoir de lourdes conséquences sur le secteur. Certaines installations, qui ont déjà du mal à trouver des fournisseurs, vont vraisemblablement devoir redoubler d’effort. Tandis que d’autres pourraient voir leur business model complètement disparaitre.
Il convient néanmoins de souligner que le respect des critères de durabilité n’est pas une obligation en soi, mais plutôt une condition permettant d’accéder aux supports financiers ainsi qu’à la comptabilisation aux objectifs de production d’énergie renouvelable en Europe. En fin de compte, cette nouvelle directive pourrait avoir des effets négatifs sur les Etats membres en ce qui concerne la réalisation de leurs objectifs et les porteur·euse·s de projet qui pourraient se détourner de la production de bioénergie au profit des énergies fossiles.
Enfin, il est à noter que la REDIII n’aura aucun impact sur l’approvisionnement en bois-bûche des ménages wallons.
Avec le soutien de la FEBHEL