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La biomasse wallonne : source de multiples débouchés pour l’éco-construction

Analyse
09.11.2018

Photos ©ValBiom 

Le 6 novembre 2018 a eu lieu les « Rencontres de la Biomasse »[1] de l’asbl ValBiom. Lors de ce rendez-vous annuel, un bon nombre d’agriculteurs, porteurs de projet et producteurs de matériaux se sont retrouvés pour débattre autour de la thématique de l’éco-construction. Cette 15ème édition a permis de dresser un état des lieux des agro-matériaux disponibles en Wallonie, filière par filière.

Sur notre territoire, même si de plus en plus d’initiatives inspirantes se mettent en place, le secteur souffre encore de certaines difficultés dont : l’accès au marché, la sensibilisation des citoyens, les marquages et normes des éco-matériaux, etc.

Ci-dessous, l’accès à la galerie photos et aux présentations.

Agro-ressources : quelles sont les filières disponibles pour la construction en Wallonie ?

Actuellement, en Wallonie, on distingue 3 types de filières :

  • Les filières bien établies comme la filière du bois.
  • Les filières en cours de massification/professionnalisation comme la paille (avec l’entreprise Paille-Tech) ou le chanvre (avec ChanvrEco et IsoHemp).

[A ce sujet, lire l’article : La paille, une solution écologique et économique pour la construction – ValBiom, 06.06.2018]

  • Les filières émergentes comme l’herbe ou la chimie du végétal, avec comme représentants :
    • La société Gramitherm qui fabrique et commercialise des panneaux isolants thermique à base d’herbes de prairie et qui a le projet d’implanter sa ligne de production dès 2019 en Wallonie. [A ce sujet, lire l’article : L’éco-construction : nouvelle voie de valorisation pour nos prairies – ValBiom, 22.07.2018]
    • La société Home-Eos qui produit depuis 2018 un isolant acoustique issu de la chimie verte et produit à partir de sucres, protéines et d’eau. [A ce sujet, lire l’article : Des panneaux acoustiques biobasés – ValBiom, 10.04.2018]
       
  • Les filières à l’étude comme la laine (via le projet DEFI-Laine), le miscanthus ou le colza.

Quels sont les atouts des matériaux biobasés ?

Selon Sébastien Ernotte (ChanvrEco - projection de béton de chaux chanvre) :

« Les matériaux biobasés apportent une multitude de performances environnementales mais pas seulement (…) ils offrent également une multitude de performances techniques comme la régulation de l’humidité et l’inertie. »

C’est cette diversité de services qui les rendent intéressant. Au-delà de cela, on constate que les matériaux biobasés permettent de diminuer de façon importante les coûts cachés liés à la construction. Par « coûts cachés », on épingle notamment :

  • la santé des travailleurs et celle des occupants (émission de composés organiques volatiles nulle) ;
  • la réduction des gaz à effet de serre : stockage de carbone par les matériaux biobasés et réduction des énergies grises (fabrication, transport, mise en œuvre).

Concernant les coûts des matériaux, Julien Lefrancq (Paille-Tech) insiste :

« Il est faux de croire que les coûts de construction sont plus élevés en éco-construction. Si on compare par rapport aux performances énergétique et au confort de vie, l’éco-construction n’est pas plus cher ! ».

Quels sont les freins à lever pour développer au mieux le secteur ?

Les produits biobasés ont des atouts indéniables au niveau technique, environnemental et économique. Cependant, malgré le fait que les citoyens sont de plus en plus conscients des avantages que représentent l’éco-construction, une série de freins restent à lever pour permettre au secteur de mieux se développer sur notre territoire.

Les marquages et les normes pour les matériaux commercialisés en Europe ne couvrent pas les produits innovants. Les matériaux biobasés sont donc dans le flou, notamment concernant les attentes techniques. A ce jour, il est possible d’entreprendre une démarche volontaire pour l’obtention d’un agrément technique. Cette démarche nécessite un coût en temps et en argent, mais simplifie le volet commercial et les échanges avec les différents acteurs de la construction.

Jean-Baptiste de Mahieu nous fait part du retour d’expérience de la société IsoHemp :

« Il est nécessaire d’avoir une réflexion en interne pour savoir si cette démarche volontaire est pertinente ou non pour la société. Il faut avoir une compétence technique en interne pour suivre la procédure et il est nécessaire d’avoir des commerciaux pouvant exploiter cet avis technique. Le retour sur investissement se fait après 5 ou 8 ans. »

Notons également que posséder des informations chiffrées et validées en matière de performances techniques des matériaux représente un gain de temps important lors des rendez-vous commerciaux.

Des projets pilotes et démonstrateurs pour démontrer les performances des matériaux biobasés

Un élément important est de pouvoir démontrer les performances des matériaux biobasés sur le long terme. Au cours de la journée, CD2E, acteur de l’éco-transition en Hauts-de-France, a partagé ses retours d’expérience et a présenté des projets et démonstrateurs qu’ils ont mis en place. Par exemple, les démonstrateurs Réhafutur 1 et 2 sont des bâtiments qui ont été rénovés avec des éco-matériaux et qui contiennent des dizaines de sondes pour mesurer les performances en continu.

« Il faut développer de plus en plus l’utilisation de matériaux biosourcés dans les bâtiment d’ampleur pour défendre leurs atouts et pour mettre en avant leurs avantages (gestion d’humidité, inertie, circuit court, » explique Julia Sacher, consultante écoconstruction, CD2E.

Le choix des matériaux biobasés en construction : un casse-tête ? Pas forcément…

Le choix des matériaux de construction peut représenter un casse-tête pour les architectes.

« Pour chaque projet architectural, on se pose des questions sur le choix des matériaux. C’est du cas par cas selon les contraintes budgétaires, urbanistiques, mais aussi par rapport aux particularités du bâtiment (mur de travers) ou de son exposition (humidité, ensoleillement…), » explique Hubert Sauvage, administrateur chez Architecture et Nature.  « En outre, il y a un besoin de diversification. Un seul matériau ne répondra pas à la demande (…) Il est nécessaire de faire des expériences, mais il faut le courage de les entreprendre »

Les impacts environnementaux des matériaux de construction peuvent être appréhendés au travers des analyses de cycle de vie. Pour ce faire, un outil d’aide à la décision gratuit et baptisé « Totem » vient d’être mis en ligne. Celui-ci permet d’évaluer les impacts environnementaux des bâtiments.

La parole aux représentants des secteurs agricole et de la construction

Lors du débat, la parole a été donné à des représentants de la Fédération Wallonne de l’Agriculture (FWA) et de la Confédération de la Construction Wallonne (CCW) ; deux organismes qui ont l’organisation de l’évènement.

Alain Masure, directeur du service d’études, FWA :

« De plus en plus d’agriculteurs ont une ouverture par rapport à de nouveaux marchés agricoles hors alimentaire, que ce soit pour une utilisation énergétique ou pour des matériaux. Il y a des possibilités, notamment via le développement de certaines cultures comme le chanvre ou le miscanthus. (…) A côté des filières traditionnelles, de nouvelles filières auront du succès si elles sont durables aux niveaux économique, environnemental et sociétal»

Aymé Argeles, conseiller principal et responsable du département Environnement et Technologie, CCW :

« Actuellement, il y a une tendance favorable pour les éco-matériaux. L’offre se diversifie et de plus en plus d’acteurs travaillent avec des éco-matériaux. (…) Les défis sont de maitriser les coûts, nouer des partenariats et avoir une maitrise technique. Il faut donc continuer à renforcer les partenariats. »

Eco-construction : quelles perspectives futures en Wallonie ?

Au terme de la journée, on constate que la biomasse wallonne est source de multiples débouchés pour l’éco-construction. Elle permet de commercialiser des produits plus durables, plus locaux et plus sains. De plus, les éco-matériaux ont des atouts indéniables tant au niveau technique, qu’environnemental et économique.  

Cependant, pour mieux se développer, l’éco-construction wallonne doit répondre à plusieurs attentes : d’une part, il est nécessaire d’évaluer la performance des matériaux (agrément technique et analyse de cycle de vie) pour convaincre et rassurer l’acheteur. Il est également important de sensibiliser les acheteurs aux coûts cachés et, outre le prix d’achat, il faut – lors du choix des matériaux – considérer aussi le coût de la santé, du bien-être et l’environnement.

Des actions de sensibilisation et de formation sont donc nécessaires. L’une des propositions sur la table est de s’inspirer de la stratégie de développement qui a permis au matériau bois de devenir un incontournable en construction, notamment grâce à la mise en place du salon Bois & Habitat.


[1] Un évènement soutenu par la Wallonie, SPW Agriculture.

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