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Réconcilier énergie et agriculture : les CIVEs, une piste prometteuse

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23.06.2025
Thibaut De Clerck, Chargé de projet Production agricole et Biométhanisation

Si les atouts environnementaux de la biométhanisation ne sont plus à prouver, l’usage de cultures dédiées à l’énergie suscite encore des interrogations. Les CIVEs, ou Cultures Intercalaires à Vocations Energétiques, se présentent alors comme nouveau levier pour renforcer la filière tout en conciliant production d’énergie et pratiques agricoles durables. 

La biométhanisation offre des solutions concrètes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et valoriser les ressources locales, tels que les coproduits agricoles ou les effluents d’élevage. Si elle fait parfois le sujet de controverses, les réflexions constructives ouvrent la voie à une gestion durable de la biomasse. Avec le soutien de la Région wallonne, Valbiom explore ainsi le potentiel des CIVEs pour diversifier les sources de biomasse pour une valorisation énergétique. 

La biométhanisation, entre controverse et bénéfices environnementaux 

La biométhanisation contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre de plusieurs façons : en remplaçant les ressources fossiles pour la production d’énergie et en limitant les émissions issues des effluents d’élevage.  

A côté de ces bénéfices environnementaux reconnus, la biométhanisation soulève certaines interrogations, notamment sur l’usage de ressources agricoles à des fins énergétiques. Ce questionnement s’inscrit dans un débat plus large autour de la concurrence entre les différents usages de la biomasse. Certaines cultures dites « énergétiques » - telles que le froment, le colza ou le maïs - font l’objet de controverses, avec des avis partagés quant à leur meilleure destination : la production d’énergie ou l’approvisionnement local pour l’alimentation humaine et animale. 

Réponses aux enjeux de diversification 

Dans le cadre de la convention cadre BioMaSER soutenue par la Wallonie, Valbiom tente de répondre à ces questions et à cet enjeu. Objectif : diversifier les sources de biomasse pour la valorisation énergétique avec une étude des Cultures Intercalaires à Vocations Energétiques (CIVEs).  

Greenotec et Valbiom se sont associés pour étudier et développer le conseil sur ces couverts d’un nouveau genre. Pour la saison culturale 2024-2025, la société Jorion Philippe Seed a accepté d’accompagner cette démarche en fournissant une partie des semences nécessaires aux essais. Deux unités de biométhanisation wallonnes, Biométhane du Bois d’Arnelle et Biogaz du Haut Geer, ont également participé au projet en mettant à disposition des parcelles pour réaliser des observations en conditions réelles.  

A l’automne 2024, différentes variétés de seigle ont été implantées dans les régions de Nivelles et de Geer pour évaluer le potentiel de production de biogaz en tant que couverture hivernale. Pour ce faire, différents paramètres sont étudiés comme la production de matière sèche ou encore le pouvoir méthanogène. 

Ces évaluations visent notamment à aiguiller les agriculteurs dans leurs choix culturaux et à leur offrir des références objectives concernant le potentiel énergétique de ce type de culture.  

Les premiers résultats indiquent que le seigle, en tant que couvert hivernal à vocation énergétique, doit être conduit comme une culture à part entière afin d’en optimiser son potentiel. La phase d’implantation, avec le choix de la date de semis ou le choix variétal, doit être adaptée au contexte de l’année. L’automne humide de 2024 a par exemple compliqué la bonne implantation de l’un des essais à Geer. Plusieurs causes ont été évoquées, mais la plus vraisemblable reste un problème de structure du sol sur la parcelle, favorisant la stagnation de l’eau et entraînant la pourriture d’une grande partie des semences. Par conséquent, une date de semis adaptée ainsi qu’un apport de matière organique raisonné sont deux paramètres cruciaux pour optimiser le développement de la CIVE.  

Afin d’évaluer l’effet variétal, un premier prélèvement a été réalisé le 10 avril 2025, où les rendements en matière sèche étaient de l’ordre de 5 à 6t de MS/ha. Après seulement une dizaine de jours, le seigle a atteint des hauteurs impressionnantes, traduites par des rendements de l’ordre de 9,7t de MS/ha. Ces niveaux de biomasses importants ayant engendré de la verse, la récolte a été accélérée. 

Figure 1 : rendements (t de MS/ha) des différentes variétés de seigle testées dans la région de Nivelles au 10 et 28 avril 2025. 

Figure 2 : production importante de biomasse du seigle dans la région de Nivelles au 28 avril 2025, engendrant de la verse. 

Des pistes prometteuses pour une biomasse mieux valorisée 

Dans l’essai variétal, les résultats à venir sur les pouvoirs méthanogènes permettront de déterminer s’il est pertinent de viser une production plus importante de biomasse, ou si cela compromet le rendement en biogaz et/ou augmente les risques agronomiques. 

Un deuxième essai, toujours en cours, observe l’effet d’un ensilage décalé sur le développement du maïs semé plus tardivement. L’objectif : évaluer les quantités de biogaz produites à l’échelle de l’ensemble de la saison culturale.  

Ces essais collaboratifs reflètent l’engagement des acteurs de terrain à faire progresser les connaissances sur les pratiques agronomiques, tout en favorisant la diversification des sources de biomasse dans une logique de durabilité et de réduction de la concurrence entre les usages.  

Restez connectés, les résultats finaux de ces essais seront bientôt disponibles ! 

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