
En Wallonie, près de la moitié du parc résidentiel a été construit avant 1946, soit avant la généralisation du ciment dans la construction. Édifiés principalement en pierre, en briques et à la chaux, ces bâtiments disposent d’une bonne respirabilité naturelle, mais présentent des performances énergétiques bien inférieures aux standards actuels. La rénovation de ce patrimoine constitue donc un enjeu essentiel, à la fois pour améliorer le confort des habitants et pour contribuer à la réduction des émissions de CO₂.
Des isolants biosourcés comme solution durable
Les matériaux biosourcés — tels que le chanvre, la paille, le lin ou encore le bois — offrent plusieurs atouts par rapport aux isolants conventionnels :
- Stockage net de carbone, contribuant à diminuer l’empreinte carbone de la construction ;
- Régulation naturelle de l’humidité, essentielle dans le bâti ancien ;
- Déphasage thermique amélioré, garantissant un meilleur confort été comme hiver ;
- Création de valeur locale, puisque des centaines d’entrepreneurs wallons produisent, transforment et mettent en œuvre ces éco-matériaux.
Quels besoins pour isoler le bâti ancien ?
D’après une étude menée par Filière Bois Wallonie, le Cluster Eco-construction et Valbiom, publiée le 19 janvier 2024 (disponible ici), la rénovation de l’ensemble du bâti construit avant 1946 nécessiterait environ 1.156.000 m³ d’isolants biosourcés par an.
À titre de comparaison [Quelle quantité d’isolant biosourcé pour permettre la rénovation du bâti wallon en 2050 ? | Valbiom - Valorisation de la biomasse ] :
- La production annuelle en Wallonie (en 2024) atteint 615.000 m³.
- Les entreprises du secteur pourraient, en régime de croisière, atteindre 1.250.000 m³/an.
La capacité de production semble donc suffisante pour couvrir les besoins liés à la rénovation du bâti ancien. Reste une question essentielle : les ressources agricoles disponibles permettront-elles de produire de tels volumes ?
Quelle surface agricole mobiliser ?
La Wallonie dispose d’environ 734.000 hectares de surface agricole utile (SAU). Pour estimer la part de cette surface nécessaire à la production d’isolants biosourcés, plusieurs hypothèses ont été retenues, tenant compte à la fois des besoins d’isolation selon les types de parois et des volumes potentiels issus des ressources agricoles locales déjà disponibles :
- la paille (1 % de la surface agricole) ;
- le lin (1 % des tiges) ;
- le chanvre (100 % de la chènevotte) ;
- la laine (25 % de la production) ;
- l’herbe de bords de route (1.000 ha/an) ;
- le miscanthus (50 % de la production) ;
- le colza (30 % des tiges).
Sur cette base, environ 13.290 hectares seraient nécessaires, soit seulement 1,8 % de la SAU, pour isoler l’ensemble du parc résidentiel wallon.
Pour le seul bâti ancien (construit avant 1946), la proportion est encore plus faible : environ 1,5 % de la SAU.
Ces résultats montrent qu’une rénovation énergétique massive du parc ancien avec des matériaux biosourcés est non seulement envisageable, mais aussi soutenable, sans compromettre les autres usages agricoles (alimentation humaine et animale, biométhanisation, etc.).
Un levier pour la transition énergétique et agricole
La rénovation du bâti ancien au moyen de matériaux biosourcés ne se limite pas à améliorer le confort des habitants et à réduire la facture énergétique. Elle constitue également :
- Un débouché structurant pour l’agriculture wallonne, en favorisant la diversification des cultures ;
- Un moteur économique régional, grâce à la création d’emplois locaux et non délocalisables dans la production, la transformation et la mise en œuvre des éco-matériaux ;
- Une contribution directe à la neutralité carbone, par le stockage de CO₂ dans les matériaux utilisés.
En résumé : isoler le bâti ancien wallon avec des matériaux biosourcés est techniquement et agronomiquement faisable, puisque cela ne mobiliserait moins de 2 % de la surface agricole utile. Une telle stratégie générerait en outre des bénéfices environnementaux, économiques et sociaux majeurs : réduction des émissions de CO₂, valorisation des filières locales et création d’emplois durables.