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La silphie : une culture prometteuse pour la biométhanisation en Wallonie

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08.10.2025
Thibaut De Clerck, Chargé de projet Production agricole et Biométhanisation

Encore discrète en Wallonie, la silphie perfoliée suscite un intérêt croissant. Originaire d'Amérique du Nord, cette grande vivace à fleurs jaunes, de la famille des astéracées, présente des atouts qui interpellent dans un contexte de transition énergétique et de diversification agricole.

Une plante aux multiples bénéfices environnementaux

Implantée depuis 2021 en essais en Wallonie, la silphie n'est pas indigène mais ne montre pas de caractère invasif. Mellifère, elle attire pollinisateurs et insectes utiles. Elle améliore également la biodiversité et structure les sols. Ses racines, qui plongent jusqu'à 2,5 mètres, assurent une excellente résistance à la sècheresse et limitent le lessivage des nitrates, mêmes en zones vulnérables.

Au niveau des dégâts de gibier, la présence de sangliers dans les cultures de silphie est attestée. Cependant, la silphie n'étant pas une ressource prisée par ces derniers, ceux-ci y font peu de dégâts, comparativement à la culture de maïs.

Un pouvoir méthanogène proche avec le maïs

Pour la production de biogaz, la silphie offre 40 à 50 tonnes de matière fraîche par hectare, des chiffres presque comparables au maïs. Pérenne, la silphie reste en place jusqu'à 20 ans, sans réensemencement annuel. Une seule coupe en fin d'été suffit, la biomasse pouvant être stockée en silos avant méthanisation.

Des freins techniques et règlementaires

La culture de silphie reste coûteuse (environ 2.000€ / ha de semences) et son semis, exigeant, même si les progrès récents facilitent l'implantation. En Wallonie, seuls 100 à 200 hectares sont cultivés par une dizaine de producteurs, contre 10.000 hectares en Allemagne et 8.000 en France.

Le principal frein reste réglementaire. Depuis 2015, la part de cultures "destinées à l'alimentation humaine et animale" dans les digesteurs des unités de biométhanisation est limitée à 15% pour toute nouvelle demande de réservation de certificats verts. Actuellement, et au regard des résultats obtenus par l'Observatoire de la Silphie, le statut de cette culture est à clarifier par l'administration. De cette façon, la silphie voit son déploiement freiné, contrairement au maïs bien établi.

Une carte d'avenir à jour

La silphie pourrait toutefois jouer un rôle stratégique dans la diversification des cultures en Wallonie, à condition d'obtenir une révision réglementaire ou une dérogation. Son faible besoin d'entretien, sa croissance rapide, sa résistance à des conditions difficiles et ses bénéfices environnementaux en font une candidate idéale pour des zones peu accessibles, ou proches des centres de captage.

Les premières plantations wallonnes, notamment dans la région de Libramont, témoignent d'un intérêt croissant parmi les agriculteurs. La diffusion du succès dépendra du bouche-à-oreille et des démarches collectives pour faire évoluer la réglementation.

La silphie pourrait ainsi représenter un tournant pour une agriculture plus durable, résiliente et respectueuse de l'environnement en Wallonie. Son développement nécessitera des investissements, une adaptation réglementaire, mais surtout une claire volonté des acteurs agricoles et politiques de miser sur cette "pépite" encore peu exploitée.