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Les promesses du biométhane en Belgique : regards croisés Flandre-Wallonie

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11.12.2019

Photos : Copyright©ValBiom

La place du biogaz[1] et, plus spécifiquement, du biométhane[2], dans la transition énergétique est incontestable. En Belgique, le potentiel est, à ce jour, largement sous-exploité.

Après la publication de la Directive des Energies Renouvelables II et les changements de majorités communales, régionales et fédérales, l’année 2019 apparait comme une année charnière pour le secteur de la biométhanisation. Les décisions qui seront prises ces prochains mois détermineront la réussite de l’atteinte aux objectifs 2030. Raison pour laquelle, ValBiom (en collaboration avec Biogas-E et VCM) a organisé ses Rencontres de la Biomasse autour de cette thématique d’actualité.

Présentations des conférences accessibles sur demande : communication@valbiom.be

L’importance des gaz renouvelables en UE et en Belgique

Les scénarios « net zero » sur lesquels travaille la société Climact[5] permettent de visualiser les différentes manières d’atteindre l’objectif de la neutralité carbone en 2050. L’un des grands apprentissages de ces modèles est qu’il y a peu de marge de manœuvre : « décarboner en profondeur les secteurs des transports, de la production d’électricité, des bâtiments ou encore de l’agriculture est indispensable », explique Jérôme Meessen (Climact). Pour ce faire, dans les scénarios préliminaires développés jusqu’à présent, les gaz renouvelables ont une grande importance.

Cette vision est confirmée par Dominique Perrin, chef de Cabinet adjoint du Ministre wallon de l’Energie, du Climat et de la Mobilité.

« Il y aura une place pour le biogaz en Wallonie, ça je peux vous le garantir.»

La part du biogaz dans ces capacités n’est pas encore déterminée avec précision, mais on sait que son potentiel dans le pays est de l’ordre de 15 TWh, selon Matthieu Schmitt (ValBiom). Pour son développement, le biogaz devra être rémunéré pour l’ensemble des services rendus à la société :

  • apport aux réductions d’émissions de GES,
  • création d’emploi non délocalisables,
  • fourniture d’une énergie stable et flexible

La biométhanisation (et l’ensemble des externalités positives qu’elle génère) doit être vue comme un projet d’avenir promouvant l’économie circulaire dans les zones rurales.

Développer intelligemment les gaz renouvelables

Ces développements doivent se faire de manière réfléchie et concertée, avertissent les associations Inter-Environnement Wallonie et ODE Vlaanderen. Arnaud Collignon, IEW, prévient : « les matières organiques considérées dans le calcul du potentiel de biogaz dans le pays doivent être soumises à un examen rigoureux concernant leur durabilité ». Le changement d’affectation des sols est l’un des points d’attention.

« Dans une transition énergétique vers du 100 % renouvelable, le biogaz a un rôle central, » Bram Claeys.

Bram Claeys de ODE Vlaanderen relativise le potentiel des gaz renouvelables. Bien que jouant un rôle clé, ils ne permettront pas de répondre à toute la demande, même en tablant sur une diminution future. Il est donc indispensable de prendre des décisions fortes dès maintenant. Le temps n’est plus suffisant pour lancer des projets pilotes. Il est dès lors crucial de sélectionner les sources de gaz à développer et les applications à favoriser, comme le FRET (transport) par exemple.

Concernant le financement, l’une des décisions à prendre pourrait concerner la taxation du carbone sur le principe pollueur-payeur. Un changement qui pourrait rebattre les cartes de l’économie mondiale, favorisant également la circularité.

L’un des apports majeurs des gaz renouvelables concerne la mobilité, nous assure Maarten Van Houdenhove, Colruyt – Eoly. Le groupe, qui est déjà engagé dans une politique hydrogène ambitieuse, s’intéresse également au biométhane sous sa forme véhiculaire, le bioCNG. Plus largement, le réseau de stations DATS 24 proposant du CNG à la pompe témoigne de l’importance donnée par le groupe à ce carburant alternatif.

« Le réseau CNG est en train de se développer : 135 pompes à essence existent actuellement en Belgique, dont 75 seront des Dats24 (…) D’autres marques suivent le mouvement et misent sur le CNG. (…) Actuellement, la Flandre est la mieux désservie, » Maarten Van Houdenhove.

Et le biométhane aujourd’hui ?

Les réglementations en vigueur tant en Flandre qu’en Wallonie n’ouvrent la voie à l’injection de biométhane qu’en vue de le valoriser dans des cogénérations. Ce type de valorisation favoriserait l’émergence de la filière du biométhane en profitant du système des certificats verts déjà en place, mais il sera limitant à d’autres égards, rappellent Cécile Heneffe (ValBiom) et Sam Tessens (Biogas-E).

La première installation de biométhane a été réalisée par l’intercommunale flamande IOK et inaugurée en 2018. Fluvius, GRD (gestionnaire de réseau de distribution), a confirmé la faisabilité technique du projet sur base du référentiel publié par Synergrid[3]. Malgré quelques ajustements, le retour est positif et un autre projet est en cours. En effet, le groupe Aquafin, actif dans le traitement des eaux usées, projette de valoriser le biogaz de ses stations d’épuration en biométhane.

En Wallonie, le premier projet est porté par Jérôme Breton (Biométhane du Bois d’Arnelle[6]) qui souhaite aboutir en 2020 à la mise en service de la première unité wallonne de biométhane. Celle-ci injectera 500 m³ CH4/h (équivalent à 2 MWe) grâce à la mobilisation de 60.000 tonnes de matière chaque année. L’installation produira 45.000 tonnes de digestat (50 % de cultures dédiées, 40 % d’effluents et coproduits agricoles et 10 % de coproduits IAA). D’autre part, dans les prochains mois, la première pompe bioCNG sera installée sur le site d’une unité de biométhanisation wallonne, avec la collaboration de la société Dminor. Cette pompe permettra d’alimenter quelques voitures par jour.

« Plusieurs projets et installations sont en cours de construction et de nombreuses unités existantes se reconvertissent (ou s’agrandissent) et tendent vers l’intégration d’une activité de biométhane injecté ou vers le développement de carburant CNG à la ferme. Il y a véritablement une demande du secteur en la matière ! » Cécile Heneffe (ValBiom).

La valorisation du biométhane en carburant est également sur les rails aux Pays-Bas : Pitpoint[4]  fournit 100 % de bioCNG dans ses pompes, et ambitionne de développer la même chose en Belgique.

Comment développer cette filière ?

La Green Gas Platform a été créée afin de démontrer le rôle de la biométhanisation, dont le biométhane, au sein de la transition énergétique, auprès des décideurs politiques et du grand public.

Elle réunit Biogas-E, Gas.be et ValBiom. La plateforme s’est fixé pour objectif 2020 d’élaborer une stratégie complète de planification du développement du biogaz en Belgique.

Dans cette perspective, Bertrand Auquière (manager chez ValBiom) nous a rappelé que l’étape de planification est essentielle pour progresser dans la bonne voie et déterminer les bons paramètres de la biométhanisation : Quelles matières ? Où ? A quel prix ? Quels bénéfices ?

Des questions essentielles pour dessiner, ensemble, la filière biométhanisation de 2030 puis 2050.

Photos : Copyright©ValBiom

Dans la presse
  • [Article] Rouler, éclairer et chauffer propre grâce au lisier – L’Avenir.net, 09.12.2019
  • [Replay] Reportage complet sur la thématique – Canal Z, 26.11.2019

[1] Le biogaz est un gaz composé essentiellement de méthane (CH4) et de gaz carbonique (CO2). Il a de nombreux usages énergétiques : il peut être valorisé par cogénération, soit injecté dans le réseau de gaz naturel, soit utilisé comme biocarburant (le biométhane).

[2] Le biométhane est du biogaz épuré. Le but de cette épuration est de pouvoir injecter le biométhane, équivalent du gaz naturel, dans les réseaux de gaz naturel ou de pouvoir l’utiliser comme carburant pour véhicules (CNG ou LNG). 

[3] La fédération des gestionnaires de réseaux électricité et gaz en Belgique.

[4] PitPoint est un fournisseur international de carburants propres (CNG, LNG, EV, H2) dont l'objectif est d'éviter les émissions nocives.

[5] CLIMACT (www.climact.com ) est une entreprise fondée en 2007 basée à Louvain-la-Neuve. Elle exerce son activité au travers d'un soutien aux entreprises et autorités publiques dans le développement et la mise en œuvre de la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique.

[6] Biométhane du Bois d'Arnelle sera le premier site d'injection de biométhane en Wallonie. A partir d'un gisement principalement composé d'intrants agricoles complété de déchets agro-alimentaires, le site produira et injectera 500 Nm³/h de biométhane (biogaz épuré) dans le réseau de distribution de gaz naturel d'ORES à Les Bons Villers. La mise en service du site est programmée pour 2020.

Une collaboration entre Biogas-E, VCM vzw et ValBiom.

Avec le soutien de ManuResource, het Vlaamse Energieagentschap, et la Wallonie.

Les 16èmes Rencontres de la Biomasse ont été sponsorisées par BNP Paribas Fortis, Crelan et Emissions zéro Sprl.