
Le projet Interreg Grande Région ExtraBark a démarré en mars 2024. Son objectif ? Explorer le potentiel des écorces de différentes essences d'arbres pour en faire des ressources précieuses dans la chimie verte et l'économie circulaire de la Grande Région. Qu'en est-il à mi-parcours du projet ? Faisons le point sur les avancées concrètes !
Comprendre le gisement : un potentiel prometteur, à préciser
Une des premières étapes du projet a consisté à évaluer les volumes théoriques d'écorces disponibles dans la région. Neuf essences d’arbres ont été étudiées : cinq résineux — épicéa, douglas, pin sylvestre, mélèze et sapin — et quatre feuillus — chêne, hêtre, peuplier et robinier. Une dixième essence, le pin maritime, sera intégrée dans les prochains mois.
Grâce aux inventaires existants et aux données du projet EMERGE, les partenaires ont estimé les volumes théoriques d’écorces disponibles en fonction des essences et des secteurs de transformation du bois.
Les chiffres sont impressionnants :
- l’épicéa domine largement le gisement avec plus de 660 000 m³ estimés ;
- suivent le pin sylvestre (275 000 m³) et le douglas (120 000 m³) ;
- côté feuillus, ce sont surtout le chêne (93 000 m³) et le hêtre (51 000 m³) qui se démarquent ;
- les volumes de mélèze et de robinier restent faibles.
Les scieries fournissent la majorité des écorces pour la plupart des résineux, sauf pour le pin sylvestre dont l’essentiel provient du secteur papetier. Pour les feuillus, le secteur papetier domine. Ces chiffres restent toutefois théoriques et doivent être vérifiés sur le terrain, en tenant compte également de la qualité, de la pureté, de la saisonnalité et des équipements disponibles. Une enquête auprès des transformateurs, en cours, permettra de déterminer le potentiel réel d’écorces valorisables pour la chimie verte et l’économie circulaire.
Du terrain au laboratoire : premières extractions et tests
Les partenaires du projet ont collecté différents lots d’écorces, qui ont été envoyés au CRITT Bois pour prétraitement : séchage et broyage, afin de rendre les écorces prêtes pour les extractions. Une fois cette étape réalisée, les écorces ont été réparties entre trois laboratoires selon les méthodes d’extraction :
- ULiège pour les hydrodistillations ;
- Celabor pour les extractions au CO₂ supercritique ;
- et LERMAB pour les extractions hydroalcooliques.
En parallèle, le CRITT Bois mène une revue bibliographique sur l’influence des conditions de récolte, de stockage et de prétraitement sur la qualité des extraits, et a commencé à développer des méthodes rapides de contrôle qualité basées sur la spectroscopie proche infrarouge. Cette approche (NIRS) vise à permettre l’identification rapide de l’essence d’origine, la détection de mélanges éventuels et l’estimation des teneurs en composés extractibles.
Les extraits obtenus à la suite de ces extractions ont ensuite été soumis à une caractérisation chimique ainsi qu’à des tests d’activité biologique.
Côté activité herbicide, des essais ont été menés sur deux adventices modèles, une monocotylée (Lolium perenne) et une dicotylée (Trifolium pratense), dans la perspective de développer des alternatives au glyphosate. Pour l’activité fongicide, les tests ont ciblé les champignons responsables de la pourriture du bois (Pleurotus oestreatus et Coniophora puteana). Des essais complémentaires sur des activités insecticides et fongicides agricoles (protection des plantes) sont encore en cours.
Les premiers résultats indiquent que :
- les extraits aqueux présentent la meilleure efficacité herbicide,
- tandis que les extraits éthanoliques montrent de meilleures performances contre les champignons lignivores.
En parallèle, la composition chimique des extraits a été étudiée :
- les extraits aqueux se révèlent riches en catéchine, gallocatéchine et en dérivés de la coniférine, des molécules polaires connues pour leur activité antioxydante ;
- les extraits éthanoliques, quant à eux, contiennent principalement des flavones, des lignanes, des acides résiniques (dont l’acide abiétique), des dérivés de la taxifoline ainsi que diverses molécules amphiphiles.
À ce stade, il n’est pas encore possible d’établir un lien direct entre la composition chimique et les activités biologiques observées. La prochaine étape sera donc la sélection des essences les plus prometteuses, à l’aide d’un tableau décisionnel intégrant plusieurs critères (rendement en écorces, activités biologiques et volumes de gisement). Cette sélection ouvrira la voie à la prochaine étape majeure d'ExtraBark, qui consiste à monter en échelle, affiner la caractérisation des extraits et approfondir la compréhension de leurs mécanismes d’action.
Et après ?
Au-delà de la recherche, ExtraBark s’attache à impliquer les acteurs de terrain. Le comité utilisateurs, réuni pour la première fois en novembre 2024, a rassemblé une vingtaine de participants au LIST (Belvaux). Une deuxième réunion est prévue en novembre 2025. Objectif : partager les résultats intermédiaires, identifier les besoins concrets des filières bois et explorer ensemble les pistes de valorisation des résidus d’extraction.
En parallèle, Valbiom poursuit son travail sur la valorisation des résidus d’extraction, afin de renforcer la dimension circulaire du projet et de maximiser les retombées pour les filières locales.
La suite du projet sera consacrée à l’étape de montée en échelle : production plus importante d’extraits, caractérisation fine et compréhension des mécanismes d’action. L’objectif reste clair : transformer un résidu forestier souvent peu valorisé en ressource durable et stratégique pour la bioéconomie régionale.
En savoir plus sur le projet :
- ExtraBark : explorer le potentiel des écorces pour protéger nos plantes ! - Valbiom, 01-03-2024.
- ExtraBark : des molécules issues des écorces pour des produits de biocontrôle plus durables - Valbiom (vidéo).