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Un bioherbicide aux huiles essentielles pour concurrencer le glyphosate

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13.02.2024
@Freepik

A Gembloux, la concurrence « verte » au glyphosate s’organise : la société gembloutoise APEO a développé un bioherbicide à base d’huiles essentielles, avec pour objectif de proposer une alternative au célèbre pesticide controversé.

Qu'est ce qu'un bioherbicide ?

Premièrement, rappelons ce qu'est un herbicide : il s'agit d'une catégorie de pesticide, c'est-à-dire une substance employée pour lutter contre des organismes considérés comme nuisibles. Dans le cas des herbicides, ces nuisibles sont des végétaux.

Un bioherbicide est quant à lui conçu à partir de substances naturelles, avec pour objectif de lutter contre les végétaux indésirables sans provoquer de dégradation de l'environnement.

Une alternative écologique au glyphosate

Le bioherbicide d'APEO est le résultat de nombreuses années de recherche. A sa tête, le Professeur Haissam Jijakli, responsable du laboratoire de phytopathologie intégrée et urbaine à Gembloux Agro-Bio Tech (ULiège). En 2011, il se lance dans la quête d’une alternative écologique au glyphosate.

Les recherches ont débuté avec une base de 3.000 huiles essentielles, dont 91 ont été testées. Pour rendre le produit compétitif sur le marché, les huiles essentielles au coût abordable et dont l’approvisionnement ne devrait pas poser de problèmes ont été ciblées. Au final, une seule huile essentielle a été retenue. Son identité reste un secret bien gardé.

Le bioherbicide développé par APEO est unique en Europe, et pourrait à terme représenter une véritable alternative écologique au glyphosate (dont la vente est, pour rappel, interdite aux particuliers depuis 2018).

La spin-off gembloutoise espère commercialiser son produit à destination des particuliers (sous une forme diluée) et des professionnels (sous une forme plus concentrée). En Europe, sa commercialisation n’est pas attendue avant 20271.

Biopesticides, quels enjeux pour la Belgique ?

Le développement d’alternatives biologiques aux produits phytosanitaires de synthèse n’est pas neuf, et s’est même accéléré ces dernières années.

Pour cause, les impacts négatifs de ces produits sur la santé et l’environnement sont désormais bien connus, et les contraintes réglementaires, de plus en plus strictes et nombreuses, poussent les chercheurs à développer des alternatives plus durables.

Quelques chiffres clés pour comprendre les enjeux2,3 :

  • Le marché mondial des produits phytosanitaires a augmenté de près de 67 % entre 2007 et 2019 pour atteindre 59,8 milliards de dollars, dont 20,1 % du marché se trouve en Europe.
  • En Belgique, ce marché pèse environ 150 millions d’euros, ce qui place la Belgique dans le peloton de tête de l’utilisation de pesticides en Europe avec 6,7 kg/ha.
  • En 2019, on estime que les biopesticides représentent entre 5 et 7,7 % du marché total des produits phytosanitaires (entre 3 et 4,2 milliards de dollars), et les projections tablent sur une croissance annuelle de 10 à 15 % (3 fois plus que pour les molécules chimiques).
  • Aujourd’hui on dénombre environ 130 produits de biocontrôle disponibles sur le marché, dont environ 40 sur le marché belge.

En Europe, les démarches pour l’homologation d’un nouveau produit peuvent prendre de 5 à 7 ans, bien plus qu’aux Etats-Unis par exemple. Ces démarches longues et coûteuses proviennent d’exigences plus élevées concernant les essais au champ en Europe. A l’avenir, la différence de coûts avec les pesticides conventionnels devrait se réduire.

En Wallonie, un potentiel à explorer

Valbiom, à travers ses différents projets (ExtraHempWal, ExtraForWal, ExtraWal, l'Interreg ExtraBark) explore le potentiel de certains coproduits (sommités de chanvre, écorces), notamment pour leurs activités de biocontrôle.

Les premiers résultats obtenus dans le cadre des projets ExtraHempWal et ExtraForWal sont prometteurs. Une journée de l’extraction organisée le 19 septembre a permis de diffuser ces résultats, et les rapports complets seront publiés sur le site de Valbiom d’ici peu. Les projets ExtraWal et ExtraBark, qui viennent de débuter, ont pour but de valider ces résultats, de les approfondir, et d’explorer le potentiel d’autres coproduits.


2 Eric Comont & Maxime Tarascou, Le développement de biomolécules fongicides : les attentes des distributeurs de produits phytosanitaires et des industriels de l’agroalimentaire (Interreg France-Wallonie-Vlaanderen), 2021.