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Valorisation des cendres de bois : transformer un résidu en ressource

Analyse
11.08.2025
Ludovic Charloteaux, Chargé de projet Bois-énergie
Valorisation des cendres de bois

Chaque année en Wallonie, plusieurs milliers de tonnes de cendres sont produites suite à la combustion du bois. Générées par des particuliers, des installations collectives ou industrielles, ces cendres sont souvent considérées comme un déchet. Elles recèlent pourtant un potentiel agronomique et industriel significatif, encore largement méconnu et sous-exploité.

Nous vous invitons à découvrir ce potentiel à travers 7 questions clés.

1. Quelle est l’origine des cendres de bois ?

Les cendres de bois résultent du processus de combustion de bois. Elles sont regroupées en deux catégories principales :

  • Les cendres de fond, issues directement du foyer, généralement plus grossières ;
  • Les cendres volantes, recueillies en sortie de chaudière par des filtres ou cyclones, plus fines et parfois plus contaminées.

La composition des cendres dépend de plusieurs paramètres :

  • Le type de bois (naturel, traité, granulés, plaquettes) ;
  • L’efficacité de la combustion ;
  • La technologie et la puissance de l’équipement utilisé.

À titre d’exemple, une chaudière domestique de 25 kW alimentée en granulés génère environ 4 à 10 kg de cendres par tonne de combustible. À l’échelle industrielle, les volumes deviennent bien plus importants et nécessitent une gestion adaptée.

Les cendres, ou « imbrulés »

Les cendres sont constituées des éléments minéraux restant après combustion. Ces minéraux ne participent pas à la réaction chimique et réduisent le pouvoir calorifique du bois : plus leur proportion est élevée, moins le bois produit d’énergie.

Ces minéraux proviennent à la fois :

  • Des tissus végétaux eux-mêmes ;
  • Des d’impuretés extérieures (terre, sable…) adhérant à l’écorce ou intégrées lors du transport et du stockage.

Il arrive aussi que des corps étrangers (cailloux, métaux, imbrûlés) soient présents dans les cendres, selon la qualité du combustible et les pratiques de manutention.

2. Quelle est la composition des cendres de bois ?

Les cendres de bois naturel contiennent majoritairement les minéraux suivants :

  • Calcium,
  • Potassium,
  • Phosphore,
  • Magnésium.

En quantités moindres, on y trouve également du sodium, du fer et de la silice. Cette richesse minérale leur confère un intérêt en tant qu’amendement ou engrais.

Elles concentrent également des éléments traces métalliques (ETM) naturellement présents dans le bois. Ces concentrations peuvent toutefois poser un problème pour un retour au sol non encadré.

La composition chimique influence également le point de fusion des cendres. Un point de fusion bas augmente le risque de formation de mâchefer – ces agglomérats solides qui peuvent obstruer grilles et arrivées d’air. Les résidus agricoles comme la paille ou le miscanthus, plus riches en silice et potassium, sont plus sujets à ce phénomène. Une adaptation des équipements (température, apport d’air, extraction…) est alors nécessaire pour une combustion optimale.

3. Quel taux de cendres selon le type de bois ?

Le taux de cendres varie fortement selon le combustible. Le tableau suivant synthétise les teneurs en cendres couramment observées selon le combustible bois considéré :

CombustibleTeneur en cendres (%)
Écorces4 à 10
Plaquettes forestières1,5 à 3
Déchets de bois0,8 à 3
Chutes de bois industriel0,8 à 1,5
Pellets0,4 à 1

Les écorces, plus chargées en minéraux et en impuretés, produisent logiquement plus de cendres. À l’inverse, les pellets issus de sciures industrielles permettent une combustion plus propre et maîtrisée.

4. Quelle réglementation en Wallonie et en Europe ?

En Wallonie, les cendres de bois sont actuellement classées comme déchet, conformément à l’AGW du 10 juillet 1997 fixant le catalogue des déchets.

Le décret du 27 juin 1996 et son actualisation par le décret du 9 mars 2023 définissent un déchet comme « toute substance ou tout objet dont le détenteur se défait ou a l’intention ou l’obligation de se défaire ».

L’article 6 du décret de 2023 reprend la hiérarchie de gestion des déchets introduite dans l’AGW de 1996 : prévention, réutilisation, recyclage, valorisation, élimination.

Si l’on peut difficilement prévenir l’apparition des cendres issues de la combustion, des options de valorisation doivent être explorées.

Valoriser les cendres : un cadre réglementaire à respecter

En Région wallonne, la valorisation de « déchets » est régie par l’AGW du 14 juin 2001 favorisant la valorisation de certains déchets. Pour ce faire, il est nécessaire d’être titulaire d’un enregistrement, d’un certificat d’utilisation et d’une dérogation pour la vente d’engrais et amendements.

Ces législations, bien qu’anciennes pour certaines, permettent de prévenir l’épandage de cendres de biomasse contaminée, traitée avec des produits chimiques ou encore possédant une trop forte concentration en ETM.

À l’échelle européenne, la directive 2008/98/CE autorise une matière issue de déchet à perdre ce statut si elle entre dans la fabrication d’un fertilisant conforme au règlement (UE) 2019/1009. La matière devient alors un produit dès qu’une déclaration de conformité UE est établie.

Pour les volumes importants, le règlement REACH impose également aux producteurs de démontrer la sécurité sanitaire et environnementale des substances utilisées. Une entreprise souhaitant valoriser industriellement des cendres doit donc en déclarer la composition, évaluer les risques, et enregistrer la substance afin d’obtenir son certificat REACH.

5. Quels usages possibles pour nos cendres ?

Maintenant que nous sommes familiarisés avec les cendres de bois et leur cadre réglementaire, découvrons les usages possibles pour valoriser ce coproduit.

a) En agriculture

Les cendres peuvent remplacer partiellement la chaux comme amendement calcique, ou être utilisées comme engrais de fond, en raison de leur richesse en P et K.

Néanmoins, les caractéristiques des cendres ne permettent pas d'envisager facilement des filières de recyclage/valorisation. Des études ont montré que l'utilisation de cendres entraîne des modifications importantes des caractéristiques du sol (pH, azote, bactéries, champignons…). Sur base des informations actuellement disponibles, le SPF Santé publique et le Département du Sol et des Déchets ont adopté certaines positions en 2011, impliquant de traiter chaque dossier au cas par cas.

Par exemple, leur utilisation directe sur le sol n’est pas autorisée. Seules les cendres de fond issues de la combustion de biomasse non traitées peuvent être incorporées à du compost. D’autre part, si les cendres n’apportent que du calcium en termes d’amendement, alors leur valorisation n’est pas autorisée non plus.

b) En compostage

À faibles doses, elles corrigent l’acidité de certains composts. Leur usage est conditionné au Permis d’Environnement, et à un dosage strict validé en amont.

c) Dans les matériaux de construction

Certaines filières utilisent les cendres issues de centrales d’incinération comme additif dans la fabrication de bétons, tuiles ou briques, ou dans les travaux routiers (stabilisation de sols).

Le département d’ingénierie urbaine et environnementale de l’Université de Liège étudie la possibilité de valoriser les cendres volantes de biomasse dans le béton. En effet, Le clinker ou le ciment peuvent être remplacés par des éléments minéraux contenus dans les cendres. Mais certains traitements préalables sont nécessaires et étudiés à l’Ulg. C’est le projet de recherche BioFACon3 qui prend fin en 2026.

d) Dans les lessives écologiques

En 2019, une start-up wallonne voit la jour avec comme objectif le réemploi de cendres de biomasse dans une lessive 100 % écologique. Le potentiel est bien là, mais les résidus générés par le processus mettent à mal la démarche écologique.

Pour en savoir plus sur cette lessive 100 % naturelle et réalisée en Belgique, découvrez le portrait dédié : Des cendres de biomasse utilisées pour fabriquer des produits d’entretien

6. Quels sont les freins actuels et quels leviers mobiliser ?

Si les pistes existent, les freins au réemploi des cendres sont encore nombreux, limitant les possibilités actuelles.

Les principaux freins identifiés :

  • Complexité administrative ;
  • Coût élevé des analyses réglementaires ;
  • Méconnaissance des obligations légales par les utilisateurs ;
  • La logistique de la collecte ;
  • Variabilité de la composition des cendres.

Cependant, ces freins ne sont pas une fatalité et divers leviers peuvent être actionnés en réponse :

  • Mutualisation logistique à l’échelle intercommunale ;
  • Accompagnement par des acteurs publics et des coopératives agricoles ;
  • Structuration d’une filière régionale de valorisation.

7. Quel futur pour les cendres de bois ?

La valorisation des cendres de bois offre une opportunité concrète de renforcer les boucles locales de circularité. Transformer un résidu en ressource, c’est non seulement valoriser les flux issus de la biomasse, mais aussi répondre à des enjeux environnementaux et économiques.

À condition d’un accompagnement ciblé et d’un encadrement rigoureux, les cendres de bois peuvent devenir un véritable atout pour l’économie circulaire et la bioéconomie en Wallonie.

Bibliographie